Alexandre n’avait jamais pris la santé au sérieux. Jeune homme dynamique, il se lançait sans cesse dans de nouveaux projets, repoussant ses limites physiques et mentales. Le travail, l’ambition, les relations… tout était à portée de main, mais toujours dans la vitesse et l’imprudence. Pourtant, un jour, la réalité le rattrapa. Ce qui avait commencé comme une légère sensation de fatigue se transforma rapidement en quelque chose de beaucoup plus lourd à porter.

Tout commença avec des migraines. Des maux de tête puissants, qui l’empêchaient de se concentrer et perturbaient ses journées. D'abord épisodiques, elles devinrent de plus en plus fréquentes, violentes, et plus personne ne semblait comprendre ce qui se passait. Il consulta plusieurs médecins, mais les réponses restaient floues. Il se sentait déconnecté de son propre corps, comme un étranger en lui-même.

Un soir, alors qu’il était en train de consulter un jeu de tarot, une carte s’imposa devant lui, la plus frappante de toutes : Le Mat. À première vue, elle semblait banale, un simple voyageur, prêt à partir sans direction précise. Mais en lisant l’interprétation, il ressentit un choc. Le Mat, symbole de départ, de mouvement, et de liberté, était également associé à la santé mentale, à la folie, et aux troubles neurologiques.

Le tarot ne se contentait pas de parler de voyages physiques, il parlait aussi de ceux qui se faisaient dans l’invisible. Le Mat, dans le contexte de sa santé, symbolisait une instabilité, une perte de repères qui commençait à envahir son esprit. Il n’était pas seulement confronté à des migraines, mais à une série de symptômes qui n'avaient pas de réponse claire : des absences répétées, des oublis, des épisodes de confusion, et parfois, la sensation d’être complètement détaché de la réalité. Il s’agissait de bien plus qu’un simple épuisement.

Alexandre consulta un neurologue qui, après plusieurs examens, diagnostiqua des troubles cognitifs précoces, en particulier une dépression sévère. Mais il n’en fut pas pour autant soulagé. La réalité de la maladie qui s’installait en lui était bien plus angoissante. Les diagnostics s’empilaient : épuisement mental, migraines ophtalmiques, troubles émotionnels, dépression, mais aussi des symptômes plus graves, comme la perte de mémoire à court terme.

Le voyage d’Alexandre devint de plus en plus difficile. Le Mat, cette carte de départ, de mutation, se transforma en une métaphore inquiétante. Il était à la fois perdu et incapable de s’arrêter. Son esprit était un terrain de bataille entre la lucidité et la folie. Les migraines se firent plus intenses, parfois accompagnées de vertiges et de troubles de la mémoire. Les absences se firent plus fréquentes, et un jour, en se regardant dans le miroir, il se rendit compte qu’il n’arrivait plus à se souvenir de certaines étapes de sa vie. Comme s'il était devenu un étranger à lui-même.

Les symptômes se mêlèrent à une profonde mélancolie. Chaque matin devenait un défi, chaque décision une épreuve. Il ressentait une déconnexion de la réalité, comme un film qui se jouait autour de lui, mais où il ne faisait plus partie de l’histoire. C’est alors qu’il comprit : il était en train de se perdre. Le Mat, symbole de l'errance, l’incarnait de plus en plus. Sa santé mentale était sur le point de le détruire s’il n’agissait pas rapidement.

Dans cet abîme de souffrance, une nouvelle carte du tarot apparut lors d’une consultation avec un thérapeute : La Roue de Fortune. Cette lame symbolisait le changement, les cycles et la chance qui pouvait se manifester au détour d’une épreuve. Alexandre savait qu'il devait se prendre en main. La chance ne viendrait pas d’elle-même, il devait ouvrir la voie.

Il se souvint des signes d’alerte qu’il avait ignorés, des petites voix intérieures qui lui avaient murmuré que quelque chose n’allait pas, mais qu’il avait choisi d’ignorer. Il se lança dans une démarche de soin, commençant par des thérapies de soutien pour ses troubles cognitifs et émotionnels. Une prise en charge psychiatrique fut mise en place, et des examens neurologiques révélèrent une dégénérescence progressive, bien qu’encore gérable. Mais c'était la prise de conscience, cette acceptation de sa maladie, qui amorça un véritable changement. La lumière n’était pas dans la guérison immédiate, mais dans la prise de conscience et le soin de soi.

Au fil du temps, Alexandre commença à se reconstruire lentement. Il suivit des traitements pour gérer ses migraines et sa dépression, mais aussi pour maintenir un équilibre mental fragile. Le Mat, cette carte qui avait symbolisé sa chute, se transforma en un point de départ vers la guérison. Ses journées étaient désormais rythmées par des rendez-vous médicaux, des séances de thérapie et une introspection profonde.

Il apprit à prendre soin de son esprit, à ralentir, à accepter ses limites. Le tarot ne lui donnait pas de solutions toutes faites, mais il lui avait offert une carte du voyage, un rappel constant qu'il fallait avancer, même lorsque l'on ne savait pas où l’on allait. Chaque étape de son rétablissement devenait une victoire, et même si la route était encore longue, il se sentait moins seul dans sa lutte.

Le Mat lui avait enseigné la valeur du départ. Parfois, il fallait se perdre pour se retrouver. Et Alexandre savait désormais que son voyage intérieur était bien plus complexe que tout ce qu’il aurait pu imaginer. Mais il était prêt à le poursuivre, avec patience et espérance.

Hervé HERBAUT